Pilou & Sandra : une filière à eux seuls

Sandra et Pilou.

Dans le village varois de Forcalqueiret, avec sa compagne Sandra éleveuse d’ânes, l’ancien maçon Pilou réalise son rêve de jeunesse : fabriquer des pains bio avec ses propres farines

Ce matin de janvier, il pleut en Provence et Pilou est ravi. La pluie se fait rare ces dernières années dans le Var. Aux quatre variétés anciennes de blés panifiables, ce paysan-meunier-boulanger a cherché à ajouter un blé tunisien « qui pousse très bien en Sicile, sur des sols arides », dit-il. La bonne nouvelle est que sur la petite parcelle qu’il a semée cet automne, les grains ont germé et les tiges se développent déjà bien. « On verra, c’est un test. »

Sandra et Pilou. Pilou fait pousser les blés des farines de ses pains. (© A. VALOIS)

Aujourd’hui, aidé de son employé Axel, Pilou cultive 13 hectares (ha). Ses champs forment une mosaïque de parcelles dispersées, dont la plus grande s’étend sur 2,5 ha. Le terroir de la vallée de l’Issole fournit aux blés de quoi développer des arômes très singuliers, qui donnent aux pains un caractère gourmand, des notes d’épices et de miel. “Je ferai un jour pousser mon blé pour faire mon pain”, s’était promis Pilou quand il était adolescent. Marius, le boulanger de son village de Forcalqueiret (Var), lui avait transmis la vocation, confirmée par la suite au cours de son apprentissage chez un boulanger-­pâtissier de La Londe-les-Maures (Var). 

Pourtant, la vie l’a conduit à une carrière d’entrepreneur en bâtiment. Jusqu’à sa rencontre avec Sandra. Cette agricultrice a élevé des chèvres dans les Alpes-de-Haute-Provence avant de posséder un troupeau de dix-sept ânes. Ensemble, ils unissent leurs forces, et le projet de toute une vie prend corps. Leur idée est de remettre en culture des parcelles à l’abandon en les louant ou en les achetant. Les ânes aident au défrichage et le troupeau bénéficie des subventions de la politique agricole commune européenne. « Il n’y a aucune aide à l’installation agricole quand on a plus de quarante ans », explique Sandra.

Des subventions locales, régionales et européennes

Leur Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun), L’Âne rit aux Desparouches voit ainsi le jour en janvier 2014. Dès le départ, Pilou utilise des semences paysannes, et fertilise les sols naturellement par rotation des cultures (luzerne, sainfoin, pois chiches, lentilles, sarrasin) comme engrais vert. « Les agriculteurs m’ont traité de fou. Je perdais de l’argent à broyer la luzerne plutôt que de la vendre. Aujourd’hui, certains reconnaissent : “Il est beau ton blé !” », raconte cet autodidacte.

Les premières années, les grains étaient apportés chez Bertrand Allais et son moulin de Bras (Var), jusqu’à ce que Pilou et Sandra fassent l’acquisition de leur propre moulin à meules de pierre. « Je me suis occupée des demandes de subventions auprès du Fonds européen de développement régional et nous avons obtenu de l’Europe, de la Région Sud et du Département du Var, des aides financières pour acheter le moulin et un four à granulés de bois [pellets, en anglais, NDLR», explique-t-elle. Ils pensaient opter pour un moulin des frères Astrié, quand ils font la rencontre de Philippe Lauzes. À Carcassonne (Aude), ce fabricant passionné leur présente le modèle qu’il a conçu s’en inspirant. Quelque temps après, l’affaire est conclue.

La farine de Pilou donne à ses pains des notes d’épices et de miel. (© A. VALOIS)

Un fournil lumineux

Dans le bâtiment agricole construit en 2021, trois grands silos d’une capacité de 35 tonnes jouxtent la partie dédiée à la mouture. Les grains sont écrasés avec précaution et la farine tamisée T80 remplit progressivement des sacs en papier bien alignés. « Notre farine est vivante, et il est très gratifiant de savoir ce que je mets dans mon pétrin », explique Pilou. Ses sacs de farine ne parcourent pas des kilomètres. À quelques mètres de là, juste de l’autre côté du mur, se trouve un fournil vaste et moderne. Lumineux aussi, avec ses fenêtres donnant sur la campagne. C’est le nouvel outil de travail de Pilou, qu’il compte bien transmettre à son fils Joris, pâtissier de formation.

Des pains et farines paysannes

Lui-même avait débuté en cuisant ses premiers pains dans le four de sa maison ! « Je les enfournais quatre par quatre sans interruption pendant quarante-huit heures… Ensuite, j’ai transformé en fournil le garage chez ma mère, et je vendais mes pains sur place », précise-t-il. Les lundis et jeudis, le boulanger démarre le pétrissage à 16 h et termine les cuissons dans la nuit. La clientèle alentour a pris l’habitude depuis six ans de venir acheter des pains bio les mardis et vendredis à la boutique du Fournil de Pilou & Sandra. « Certains réservent par SMS, ou bien d’une semaine sur l’autre », explique cette dernière. Une étagère accueille une cinquantaine de pains commandés.

Sacs de farine stockés dans le fournil à 20 mètres du moulin. (© A. VALOIS)

Du petit matin jusqu’à 10 h, le chaleureux abri en bois ne désemplit pas. Le présentoir est fourni, garni de pains nature au levain, aux graines, à l’huile d’olive, complets enrichis au son de blé, au petit épeautre 100 % ou 70 % moulés, etc. Debout derrière le comptoir, Sandra sert ses clients en pesant chaque pain. Elle vend également des sachets de farine de blé, de farine de petit épeautre, de farine de pois chiches ; des pois chiches, des miels issus des ruches de Jordan (son fils) et de Lucille (sa belle-fille). Côté salé : une pizza maison généreuse parfumée aux câpres, et la pissaladière aux oignons confits. Et côté sucré : des brioches à l’huile d’olive, des gibassiers ainsi que des croquants miel-amandes.

Sandra, qui a pris en charge la commercialisation, part aussi chaque semaine en tournée de livraison dans le Var jusqu’à Hyères. À Brignoles, Solliès-Pont, Carnoules, les pains du Fournil de Pilou & Sandra sont vendus dans des Biocoop, des Maisons de pays, des boutiques de domaines agricoles, ainsi qu’au marché de Garéoult.

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